Qu’est-ce qu’une chambre d’hote : part 3

Avec les développements de ce type d’hébergement, les frontières avec l’hôtellerie sont logiquement devenues plus floues et donc sensibles.

Si nous en revenons à nos définitions théoriques, essayons une brève étude de cas extrêmes pour tenter une définition par la négative, pour tenter de faire apparaître les enjeux.

Revenons au premier aspect que nous avons dégagé : un lieu de passage.
La question du cas limite est donc : est-ce qu’une chambre d’hôte qui devient destination principale du voyageur répond encore à sa nature ?
Autrement dit, « passer ses vacances dans une chambre d’hôte » n’est-il pas un contre-sens ?
Plusieurs cas de figures se présentent :

  1. Les voyageurs visitent la région pour une semaine, cette chambre est un bon point d’hébergement. Chaque matin ils prennent la route pour ne revenir que le soir. Dans ce cas, nous restons dans le cadre de notre définition : la chambre est un lieu de passage.
  2. Les voyageurs ont sympathisé avec le maître de maison, cela est réciproque. Ce cas, renvois au deuxième aspect.
  3. Les voyageurs ne bougent pas de la piscine, si ce n’est pour se oindre d’huile, tout au long de la semaine et vivent comme ils le feraient dans un hôtel, un gîte ou un centre de vacances. Nous sommes dans ce cas précis dans de l’hôtellerie pure et dure.

Pour ce qui est du deuxième aspect qui est de faire partie de la maisonnée, les questions des cas limites sont :

  1. Est-ce que si la chambre qui accueille est dans une grange séparée avec ses propres sanitaires nous sommes encore dans le cadre du lieu de vie de la famille ? Après tout, nous pourrions tout à fait imaginer ce cas, avec en plus, le matin, personne dans la maison principale si ce n’est une cafetière fumante et quelques viennoiseries préparées à l’attention des voyageurs. Dans ce cas, c’est le fait d’avoir préparé le petit-déjeuné qui marque l’hospitalité du maître de maison. Ce cas n’est donc pas révélateur.
  2. Est-ce que si le propriétaire a la place d’accueillir 30 voyageurs, il s’agit encore d’une chambre d’hôte ? Et si non, à partir de combien de chambres ? Cette question a été tranchée par le législateur à 5 chambres. Soit. C’est le critère le plus révélateur et le plus compliqué à déterminer. En effet, selon notre définition, ce qui caractérise une chambre d’hôte c’est le caractère cordial de l’accueil. Or,  « cordial » présuppose une certaine gratuité de l’intention, une hospitalité naturelle. La question devient donc : A partir de combien de voyageurs ne pouvons-nous plus être naturellement cordial et devenons-nous commercialement cordial ? Car c’est bien là l’enjeu : A partir de quel moment une chambre d’hôte devient-elle une activité hôtelière ?

Voilà donc la limite qui pose problème, celle entre une chambre d’hôte et, non pas un hôtel, mais, disons, une auberge.

De la petite cahute au fin fonds de la campagne où le voyageur trouvera une humble paillasse pleine de petits compagnons taquins mais tenaces, des sanitaires manuels sous forme de trou et de puit, et petit-déjeunera avec un couple de la forêt, à l’aube, avant d’aller couper du bois, alors qu’il fait froid et que la neige tombe à l’horizontale et cingle les visages (qui a dit que je force le trait ?!) à la masure provençale, face à la mer azurée, en périphérie urbaine et vivante, dans une chambre à la couche double et molletonnée, aux sanitaires agrémentés de fonctions surprenantes, où le voyageur petit-déjeunera sur une terrasse en pierres de taille sur une chaise aux lignes adoucies par des années de réflexions en design, devant un buffet où des jus de fruits improbables côtoient différentes sortes de cafés le tout servit par des naïades … (égarement ?!); jusqu’au manoir du plus pur style français, fort d’une dizaine de chambres, où le voyageur hésitera, les nuits sombres, à traverser un couloir, même éclairé, tellement l’histoire et le passé suintent par chaque latte du parquet ciré, tellement il serait désagréable d’y croiser un drap blanc d’outre-tombe, pour au matin petit-déjeuner au milieu d’une terrasse de fins gravillons râtelés tous les soirs, prêt à croiser hercule Poirot ou Arsène lupin au détour d’un buisson ;
bref, de cet éventail sans fin, bien malin qui pourra dire ce qui est une chambre d’hôte de ce qui ne l’est pas.

Car même si le nombre de chambres dit une limite à la courtoisie naturelle possible, même si les labels tentent de séparer ce qui est de ce qui n’est pas, bien des manoirs seraient impossibles à entretenir sans leur transformation en hébergement, bien des voyageurs seront heureux de trouver un hôte sur leur trajet même si le rouleau de papier toilette ressemble étrangement à une innocente fougère, bien des maîtres de maison seront sincèrement heureux de pouvoir partager la qualité de leur accueil même s’il paraît ostentatoire.

Aussi, une fois de plus, la question des limites vient du fait de ceux qui ont dépassés ces limites, que ce soit du fait des voyageurs ou des chambrotiers.

Et si nous ne sommes pas, ici, en mesure d’identifier précisément ces limites, nous pouvons pour autant lister les cas où elles sont largement dépassées.

Amusons-nous un peu et imaginons des cas au-dela de tout :

Quand le voyageur demande à être remboursé du croissant qu’il n’a pas mangé.
Voilà un bel exemple de l’évolution du tourisme. Tout le monde parle des hébergeurs, personne ne parle des vacanciers.  J’ai payé donc j’ai le droit. J’ai pas utilisé donc il n’y a pas de raison que je paye. Voilà l’exemple parfait de la confusion, du problème de l’identité des chambres d’hotes quand elles sont prises pour une prestation hôtelière : Les voyageurs attendent un minima, minima qui est propre à chacun. Ils ont vite fait d’oublier que le prix de la nuitée, souvent, normalement, est moitié moins que dans un hôtel de début de gamme. Ils ont vite fait d’oublier que l’amateurisme (dans le sens où il n’est pas un professionnel de l’hôtellerie) du maître de maison n’est rien comparé à la sincérité de ces efforts pour qu’il se sente bien. Dans ce cas, donc, il s’agit souvent d’une chambre d’hôte, c’est le voyageur qui n’a pas compris ce que cela signifiait, il se peut d’ailleurs que ce même voyageur ne comprenne pas grand chose, à tout, globalement. Et si tous les voyageurs apportent de la joie, pour certains, c’est uniquement quand ils partent.

Quand le maître de maison ne vous a même pas demandé votre prénom et vous a juste parlé de toutes les améliorations qu’il allait faire, comment il allait transformer le grenier, la cave et le pigeonnier en chambre, et surtout, l’investissement que cela représentait, et qu’au passage, la troisième cannette de bière était offerte de bon cœur jusqu’au 21 juin.
Voilà un bel exemple d’aubergiste nous semble-t-il.

Quand votre chambre est une des 6 suites grand luxe, dont une est inutilisée (C’est la loi !), aménagée dans une battisse construite à cet effet, donnant d’un coté sur la piscine et de l’autre sur un parking, loin de la maison familiale, avec des tarifs dignes d’un bel hôtel.
Combien je vous dois vous dites ?!

Quand le voyageur vous demande s’il peut payer par carte bleue et soupir comme si le maître de maison était un attardé en entendant le refus.
Ne serait-il pas possible de légiférer sur un diplôme de vacancier ?